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Tunisie: les élections parlementaires marquées par une très faible affluence

À l’heure de la fermeture des bureaux de vote, à 18h (17h TU), le taux de participation pour le scrutin législatif tunisien samedi 17 décembre était de 8,8 %, selon le président de l’autorité électorale, Farouk Bouasker. Un chiffre à compléter avec quelques bureaux fermant plus tard. Cette forte abstention intervient alors que les pouvoirs du Parlement se sont considérablement réduits avec l’adoption d’une nouvelle constitution instaurant un régime ultra-présidentiel.

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Avec notre correspondante à Tunis, Lilia Blaise

Ce faible taux de participation est assez record dans la Tunisie de la post-révolution. En 2019, lors des élections législatives, le taux de participation avait quand même atteint les 41 %. Le président de la République Kaïs Saïed avait pourtant lancé un appel à l’électorat, plus tôt dans la matinée, après être allé voter. « C’est une opportunité historique de retrouver vos droits légitimes », a-t-il déclaré, ajoutant que « nous avons rompu avec ceux qui ont ruiné le pays ».

Mais dans le pays, la désaffection pour le vote a été plus forte, liée à plusieurs facteurs. Beaucoup de Tunisiens qui ne sont pas allés voter parlent d’un manque d’intérêt pour ces élections, puisqu’ils ne comprennent pas leur utilité et se disent désabusés de la politique. Car le futur Parlement a des pouvoirs très restreints, ne peut pas contrôler le rôle du gouvernement ni l’action du pouvoir présidentiel. Certains électeurs ont même préféré regarder le match Croatie-Maroc que d’aller se presser pour voter avant la fermeture.

L’opposition politique a également appelé au boycott du scrutin depuis le début de la campagne électorale, car elle conteste tout le processus politique qu’a entamé Kaïs Saïed avec sa prise de pouvoir le 25 juillet 2021.

Parmi les rares votants, certains se disent confiants d’un possible changement avec le nouveau Parlement. D’autres veulent quand même voter, car ce geste reste un acquis et une liberté démocratique de la révolution, selon leurs mots.

Nour Houda, femme au foyer de 43 ans, se dit influencée par les SMS de mobilisation envoyés en masse par l’Instance électorale les derniers jours avant le scrutin : « Je me suis vraiment décidée à la dernière minute, parce qu’honnêtement, je ne suis pas sûre que ça fasse la différence. Pour l’instant, il n’y a que des problèmes dans le pays, pas de changement. »

Nazih Hachaichi, architecte de 38 ans, n’a pas exprimé sa voix, car il sait que le nouveau parlement aura très peu de pouvoirs : « Le Parlement va être une sorte de bureau d’enregistrement, en fait, des décisions du pouvoir. En allant voter, le citoyen, il se positionne politiquement. Moi, j’ai l’impression qu’aujourd’hui, avec toute la démarche qui a été initiée par le président de la République, on n’a plus la possibilité de se positionner politiquement. »

« On se demande quelle est la légitimité »

Pour Slim Bouzid, membre du réseau Mourakiboun qui a déployé plus de 1 000 observateurs lors de ce scrutin, l’abstention massive pose aussi la question de la légitimité du processus : « On se demande quelle est la légitimité du scrutin en cours quand finalement, c’est une minorité qui exprime sa voix et non pas une majorité. Or, la démocratie est un exercice qui permet à la majorité d’exprimer sa voix, avant la minorité »

Face à cette abstention, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a expliqué que plusieurs facteurs avaient causé cette faible participation : le fait que les candidats n’aient pas le droit à des financements publics pour faire campagne, le changement de la loi électorale, l’adoption d’un autre type de scrutin et les appels au boycott de l’opposition auraient également affecté le scrutin, selon les mots du président de l’instance.

Un échec pour Kaïs Saïed ?

Les critiques ont fusé dès samedi soir. Ahmed Nejib Chebbi, président de la coalition du Front de salut national, a qualifié les résultats des élections législatives de « séisme de 8 degrés (sic) sur l’échelle de Richter ». Abir Moussi, présidente du parti destourien libre, un parti anti-islamiste se réclamant de l’héritage du président Habib Bourguiba, a également appelé à la démission du président. Le parti de centre droit Afek Tounes a, lui, dénoncé le déni du Chef de l’État face à son échec cuisant « dans la gestion des affaires du pays et son incapacité de procéder à des réformes », selon les mots du communiqué.

Si ces partis appellent, pour certains, à descendre dans les rues pour manifester contre le président, il n’en est rien pourtant en Tunisie où le pays s’est réveillé, ce dimanche 18 décembre, dans le calme, malgré le coup de semonce de l’abstention.

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Parmi les soutiens à Kaïs Saïed et candidats au scrutin, les réactions sont encore discrètes. L’ancien bâtonnier et candidat aux législatives, Brahim Bouderbala a déclaré que les participants étaient patriotes, à l’inverse de ceux qui s’étaient abstenus, qualifiés d’« antipatriotiques et lâcheurs ».

Du côté de la présidence, silence radio depuis la publication du taux de participation. C’est le premier réel coup dur du président, depuis sa prise de pouvoir, lui qui avait toujours donné comme argument à son coup de force, la légitimité du peuple et le soutien populaire dont il bénéficiait.

Les élections coïncident, comme le voulait Kaïs Saïed, avec le 12e anniversaire de la révolution tunisienne. Des résultats préliminaires de ce premier tour des législatives seront annoncés lundi 19 décembre.

Le taux de participation révèle aussi l’échec du président de la République à ramener les électeurs vers le vote, avec déjà le faible taux de participation à son référendum constitutionnel en juillet dernier : seulement 30,5% des votants avaient exprimé leurs voix.

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